Tribune Plantronics – Droit à la déconnexion numérique. Télétravail : la (trop) lente quête du bien-être au travail

Par Philippe Tessier, marketing manager France chez Plantronics

La nouvelle quête du Graal dans le milieu de l’entreprise semble être celle du bien-être. Création de postes dédiés, tel que Chief Happiness Officer, lois diverses et variées, … de nombreuses initiatives sont nées afin d’assurer aux employés un minimum de bien-être au travail. Mais entre la régulation et les pratiques sur le terrain, le fossé reste colossal. Où en est-on réellement aujourd’hui ?

L’ultra-disponibilité : le mal du 21ème siècle


Les nouvelles technologies de communication ont permis aux collaborateurs de rester ultra connectés et ultra mobiles afin d’être plus réactifs aux sollicitations de leurs supérieurs, collègues et clients. Mais l’usage intensif de ces outils numériques peut avoir l’effet inverse et s’avérer contre-productif. Absorbés, obnubilés, usés, les collaborateurs ne distinguent plus la frontière entre vie privée et vie professionnelle, si bien qu’ils ne s’octroient plus de temps de repos. Résultat : l’entreprise se retrouve avec des employés épuisés, moins alertes, voire au bord de l’épuisement professionnel (« burn-out »). Ce constat imposait d’agir pour répondre à la demande formulée par 62% des actifs* qui réclamaient une régulation des outils numériques professionnels.


Cependant, n’oublions pas que cette connectivité présente aussi des avantages, puisqu’elle permet le développement de différentes formes de travail plus intéressantes pour l’employé ; il s’agit alors de veiller qu’elles soient bien pensées et en adéquation avec les contraintes et desideratas personnels du collaborateur, et les impératifs de rentabilité de l’entreprise. Par exemple, le télétravail, ponctuel ou régulier, offre aux salariés une plus grande latitude dans l’organisation de leurs tâches professionnelles et de leur vie personnelle.

L’Etat à la rescousse des employés

Parmi les lois votées en matière de bien-être au travail se trouve l’emblématique droit à la déconnexion qui fête tout juste sa première année. Cette mesure de la loi travail El Khomri oblige les entreprises de 50 salariés et plus à « mettre en place des instruments de régulation de l’outil numérique visant à assurer le respect des temps de repos et de congés ainsi que l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle et familiale » pour leurs salariés. Ainsi, on octroie aux employés le droit de ne pas répondre à des courriels, SMS, ou appels hors temps de travail. Par ailleurs, l’entreprise a le devoir de garantir à ses employés cette déconnexion virtuelle.
Mais, la réalité sur le terrain est tout autre. En effet, quelques mois après l’entrée en vigueur de cette loi, l’e-disponibilité est toujours de mise dans l’univers des cadres, population particulièrement suréquipée et ultra connectée. Ainsi, selon une étude IFOP menée durant l’été 2017, 78% d’entre eux consultent leurs mails et SMS professionnels pendant leur temps libre. Il s’agit alors de s’attaquer à un tout autre niveau : l’organisation du travail.

Organiser son temps pour mieux s’épanouir

Et si la seule solution viable est de penser autrement, à contre-courant ? Si, au lieu d’empêcher les collaborateurs de se connecter où et quand ils le veulent, on leur laissait le choix d’organiser leur temps de travail et de disponibilité ? Pourquoi, en effet, ne s’en tenir qu’à de stricts horaires plus ou moins
contraignants ? Les entreprises ont ici l’opportunité d’aller plus loin et de lancer une vraie réflexion sur les nouvelles façons de travailler.

Imaginons un père de famille pouvant quitter son bureau plus tôt afin d’aller chercher son enfant à l’école et se reconnectant le soir pour « récupérer » ce temps de travail. Ou encore, un(e) salarié(e) qui travaille de la maison une partie de la semaine pour éviter de perdre du temps dans les embouteillages ou les transports en commun, optimisant ainsi son emploi du temps, ayant alors la possibilité de profiter d’un cours de sport hebdomadaire sans s’y rendre en courant. Chaque individu devrait pouvoir exprimer la manière dont il souhaite accomplir ses tâches, tout en se préservant des espaces de liberté, afin de s’épanouir dans sa vie personnelle, familiale et professionnelle.

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Le télétravail en question

L’organisation du temps de travail nous amène également à l’une des récentes lois votées dans le cadre de la réforme du code du travail : l’assouplissement du recours au télétravail occasionnel. Ainsi, les collaborateurs peuvent demander à leur employeur de travailler à domicile de manière occasionnelle et, c’est là que réside la nouveauté : ce dernier ne peut refuser que s’il prouve que l’activité professionnelle du salarié requiert sa présence au sein de l’entreprise.

Cette initiative, quoique timide, va dans le bon sens car elle contribue à faire voler en éclats les notions rigides d’unité de temps et de lieu, et améliore la flexibilité en entreprise. Plus besoin de se rendre dans un lieu précis, dans un créneau horaire figé et régulier, pour effectuer son travail (sauf obligation réelle comme un rendez-vous client, bien sûr). Cela passe par l’évolution de l’environnement de travail, avec une convivialité accrue au niveau collectif associée à une attitude individuelle plus collaborative. En effet, cette évolution assez radicale doit avoir l’assentiment de tous car elle bouleverse non seulement les habitudes du salarié en question, mais également celles de l’équipe au sein de laquelle il travaille.

Une implication de l’Etat, mais aussi et surtout de l’entreprise !

Le changement ne doit pas seulement incomber à l’Etat, mais doit avant tout émaner des entreprises. Même si la prise de conscience est lente, les sociétés sont de plus en plus nombreuses à s’apercevoir qu’un salarié épanoui est un collaborateur bien plus productif. Pour être acceptées et utilisées de manière optimale, les solutions technologiques et collaboratives doivent être conjointement associées à des aménagements des espaces de travail et à une ouverture d’esprit des équipes vers la collaboration et le respect des rythmes de chacun.

A ce titre, il est intéressant de s’inspirer des études menées par “Oxford Economics”. Une d’entre elles, réalisée auprès de 600 dirigeants et 600 employés, a permis de mieux appréhender les défis qu’il fallait relever pour faire évoluer l’environnement et les attitudes au travail. Ainsi, 64% des employés conditionnent leur productivité à la suppression de toute distraction (bruit, interruption, etc). Le bruit ambiant est pour beaucoup un facteur de déconcentration : 39% s’isolent dans une autre salle pour y échapper, alors que 37% écoutent de la musique ou des sons relaxants. Ce constat pose le problème de l’aménagement de l’espace de travail, notamment des « open space » et questionne sur les technologies à mettre en œuvre pour faciliter les tâches en limitant les nuisances.

Ainsi, les conditions de travail dans leur globalité, au bureau et en dehors, sont également l’une des problématiques clés du bien-être au travail. L’organisation des lieux doit répondre de façon optimale aux différentes situations (production solitaire, réunion avec un client, dialogue au téléphone, visioconférence avec des collègues étrangers…), tout en prévoyant des espaces où les salariés pourront se détendre.

Je suis finalement persuadé d’une chose : les meilleures solutions technologiques appliquées dans les environnements de travail les plus ergonomiques ne suffisent pas. Pour faire évoluer l’ambiance de travail, il faut la participation et l’acceptation de tous, individuellement. Les nouvelles réglementations doivent permettre l’éclatement des cadres trop rigides, le renoncement aux horaires trop stricts et de laisser la liberté à chaque collaborateur de se connecter et de se déconnecter quand il le veut, dans les bureaux, chez lui ou dans les espaces dédiés au télétravail, pourvu qu’il accomplisse sa mission. Ce mouvement engage la communauté formée par l’entreprise qui progressera vers un meilleur équilibre entre vie professionnelle, vie personnelle et vie sociale. Mais, cela suppose aussi que chacun de ses membres évolue et s’engage intimement dans une démarche plus collaborative, c’est-à-dire plus ouverte aux autres.”

* Source : Ministère du travail