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Ciao Enzo, l’un des derniers maîtres du design italien, nous a quittés

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Le designer italien Enzo Mari est décédé lundi dernier 19 octobre 2020 à l’âge de quatre-vingt-huit ans à l’hôpital San Raffale de Milan. L’occasion pour nous de présenter un homme qui a toujours défendu le design pour tout le monde. Figure imposante et radicale du monde du design. Grand maestro et théoricien international, Mari était aussi bien connu pour son tempérament que pour ses objets élégants et fonctionnels.

Né en 1932 à Cerano, dans la province de Novare (Piémont, Italie) il se forme à Milan. Il s’incrit à l’Accademia di Belle Arti di Brera (Académie des Beaux-Arts de Brera) de 1952 à 1956. Il y étudie la peinture et la sculpture avant de se concentrer sur la scénographie. À la fin des années 50, il commence à concevoir des objets.

Des objets toujours en production

Il s’intéresse aux mouvements d’avant-garde et au design industriel. Il commence à collaborer avec Danese à partir de 1957. Parmi ses créations les plus célèbres de cette époque, on trouve le “16 ANIMALI”. Un puzzle en bois composé de 16 animaux terrestres. D’abord été édité en bois, puis en papier alvéolaire à partir de 1963. En 1958, il crée le plateau de table Putrella à partir d’une poutre industrielle pliée en métal brut. Produite en edition limitee (100 pieces par an).

À partir des années 1960, Mari s’intéresse à l’Arte Programmata, le mouvement de l’art cinétique italien. Avec sa femme, Iela Mari, il publie un livre d’images sans texte pour enfants. “La mela e la farfalla” (La pomme et le papillon). Un graphisme simple, alliant sobriété et poésie, laissant l’enfant développer son imaginaire personnel. A l’activité conceptuelle s’ajoute la volonté d’instruire, qu’il poursuivra jusqu’en 2000.

60 ans d’activité

Il collaborera au sein d’illustres institutions comme l’Ecole polytechnique de Milan. Il y donna des cours d’architecture et de design. Lorsqu’on lui demande: “Qu’est-ce qu’un bon design?” Mari répond: “Bien signifie durable, accessible, fonctionnel, bien fait, émotionnellement pertinent, résilient, socialement bénéfique, beau, ergonomique et financièrement accessible.” .

Mari a continué à innover tout au long du 20ème et au 21ème siècles. Nous lui devons la Box Chair (Anonima Castelli, 1971-76). Une chaise en plastique moulé brun dont l’assise et le dossier arborent des perforations circulaires. La Sof Sof Chair (Driade, 1972), caractérisée par 9 anneaux de tige de fer qui composent l’assise et le dossier. En collaboration avec Giancarlo Fassina, il conçoit le système d’éclairage Aggregate (Artemide, 1970 – 1979).

Mais on retiendra surtout la chaise Delfina (Driade, 1974), récompensée par le prestigieux prix Compasso d’Oro en 1979. Une chaise dont la structure est constituée en fil d’acier très fin. Ou encore la Tonietta (Zanotta, 1985). 1er Prix de la Chaise au Salon International du Design de New York en 1986. Et autre Compasso d’Oro en 1987. Avec ses lignes atypiques et sa grande légèreté, cette chaise se démarque dès sa sortie. Elle connait un réel succès commercial grâce à son traité radicalement différent. Reconnaissable entre mille grâce à son dossier en demi cercle, Tonietta anoblit la notion d’esthétique industrielle, caractéristique des années 80. Simple, graphique, sophistiquée et légère. Elle allie forme pure et matériaux de qualité. L’assise et le dossier en cuir sellier lui apportent un aspect précieux. Une version, sans aucun doute, revisitée de la chaise n°14 de Thonet conçue en 1859.

Designer et militant le plus doué sans compromis

Inspiré pas les courants marxistes, bien qu’il n’ait jamais rejoint le Parti communiste italien, la notion de prix abordable était une préoccupation constante pour lui. Son intérêt principal était de créer autant que possible des objets élégants et fonctionnels à partir de matériaux bon marché. Ses théories et son activité ont largement contribué à faire du «Fatto in Italia» une référence dans le monde entier. Au cours de sa longue carrière, il a reçu plusieurs distinctions prestigieuses, dont 5 Compassi d’oro.

Deux jours avant sa mort, la Triennale de Milan venait d”inaugurée une rétrospective fascinante. “Enzo Mari organisée par Hans Ulrich Obrist avec Francesca Giacomelli”. Documentant plus de 60 ans d’activité de l’un des principaux maîtres et théoriciens du design italien. L’architecte et président de la Triennale, Stefano Boeri a été le premier à donner la nouvelle. Il l’a saluer en ces termes «Ciao Enzo. Te ne vai da Gigante » (Au revoir Enzo. Tu vas comme un géant). Les œuvres y seront exposées jusqu’au 18 avril 2021. Beaucoup d’entre elles ne seront peut-être pas vues avant des décennies. Mari a fait don de ses archives à la ville de Milan, avec pour instruction de ne pas divulguer son contenu avant quarante ans.

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