Comme nous l’annoncions dans les précédents articles, la période du confinement laissera une trace indélébile dans notre relation au travail. Ou plutôt à notre environnement de travail, car le fait de l’exercer à domicile (on dit aussi télétravailler) s’est brusquement imposé comme une option incontournable. En août dernier, la nombre d’offres d’emploi proposant cette option avaient déjà doublé au Québec.
L’option du télétravail fait maintenant partie de la vie de l’entreprise, qu’elle le veuille ou non. Télétravail ou travail hybride, qui semble être la formule recueillant le plus de succès. Travail hybride, c’est-à-dire quelques jours au bureau et quelques jours à la maison.
Ces nouvelles organisations représentent un défi colossal pour les entreprises. Que ce soit au niveau des infrastructures, réglementations… Des professionnels témoignent de l’impact de ces changements pour les décideurs et professionnels des ressources humaines. Et, comme le bouleversement est conséquent, tentent d’apporter des éléments de réponse. Morceaux choisis.
Faire la réglementation soi-même pour éviter tout déséquilibre des rapports sociaux ?
L’activité de télétravail tombe sur le coup de l’article L 1222-9 du code du travail. Il prévoit que cette activité « est mise en place par un accord collectif ou dans le cadre d’une charte élaborée par l’employeur après avis du comité social et économique ». En gros, l’article laisse le soin de règlementer aux accords collectifs négociés au sein des entreprises. Cependant, un employeur peut refuser l’octroi du télétravail à un salarié. Même si son poste est éligible à cette organisation en vertu de l’accord collectif ou de la charte. Il doit alors motiver son refus de façon légitime en l’appuyant sur des critères et raisons objectifs.
Une législation globale sur le télétravail semble plus ardue à établir qu’à première vue. Selon la fondation européenne pour l’amélioration des conditions de travail (Eurofound), on ne dénombre pas moins de 9 tendances différentes concernant l’organisation du travail (télétravail complet, hybride…). Il convient donc de comprendre une situation complexe avant de légiférer. Car le changement de mode de travail impacte aussi le tissu social que forment les employés.
Pour Martin Delage, expert déployant l’organisation du télétravail au Centre intégré de santé et de services sociaux de Laval au Canada, le risque d’un clivage au sein de l’entreprise est réel. « On risque de se retrouver avec deux classes d’employés : ceux qui ont la chance de travailler de la maison et ceux qui doivent venir au bureau, parce que leurs tâches ne peuvent être accomplies à distance » prévient-il. Un équilibre des rapports sociaux qui semble possible grâce à la légifération interne à l’entreprise. Il suffit juste de ne pas l’oublier.
La fin de la culture d’entreprise ?
Katie Bussières, présidente de Nubik, une firme informatique travaillant de manière 100 % virtuelle, ne préconise pas une politique de télétravail qui donnerait carte blanche à l’employé de venir ou non au bureau. « Comment bâtit-on une culture d’entreprise si certains employés décident de toujours rester à la maison ? ». Opinion qui semble partagée par les décideurs d’entreprise français. La perte de culture d’entreprise est, avec l’absence de contrôle sur les équipes, leur crainte numéro un. Les plus optimistes répondent que la technologie peut palier à cela.
Julie Tardif, CRHA, cofondatrice du cabinet-conseil en ressources humaines Iceberg Management, rappelle les outils de téléconférence ont bien évolué en qualité. Ils permettent parfaitement, selon elle, à des collègues de mener une conversation fluide à distance. L’utilisation d’outils comme Slack (plateforme de conversation multiple avec possibilité d’appel) Zoom ou Skype (vidéoconférence) a d’ailleurs bondi en 2020.
L’impact des nouvelles organisations du travail est colossal pour les entreprises. Qui doivent s’adapter au pas de course, ne serait-ce que pour continuer à recruter les meilleurs talents. Le futur semble être ainsi des plus flexible.