La COVID aura-t-elle raison de l’existence du bureau ? Rien n’est moins sûr…Alors en cette nouvelle année 2021, qu’est-ce qui motive les utilisateurs à aller au bureau ? Quels atours doivent présenter les espaces de travail pour assurer le bien-être ? Aller au bureau aujourd’hui : une enquête pour comprendre les attentes des utilisateurs.
article publié dans « Ergonoma Journal 62 » Janvier / Février / Mars 2021
Pour en savoir plus, BureauxLocaux, avec l’appui de Multiburo, a mené une étude. Une enquête auprès de 350 dirigeants d’entreprise en recherche active de bureaux. Ils ont également interrogé trois grands experts. Ils ont découvert de nouvelles envies des collaborateurs. Ainsi que les nouveaux prérequis liés – en particulier – au développement incontournable du télétravail massif.
Cependant, ils en sont aujourd’hui convaincus, le bureau a encore de belles années devant lui… Le livre blanc que vous pouvez télécharger vous donne des clés pour comprendre les caractéristiques principales du bureau idéal.
Accueillant et rassembleur
Pour Sophie Desmazières, Présidente de BureauxLocaux, la décoration et le design ont leur importance. Mais les besoins des salariés se résument à du bon matériel et des conditions de travail irréprochables.
“Un équipement ergonomique et fonctionnel avec un siège confortable pour éviter le mal de dos. Une connexion wifi performante.
De la lumière et une limitation des nuisances sonores. Le bruit épuise les salariés. Il mobilise une énergie considérable et affecte les capacités de concentration nécessaire pour bien travailler.
Les échanges, les relations humaines constituent la première motivation pour venir au bureau. L’entreprise est un projet d’équipe et le bureau, le lieu qui rend possible des interactions de qualité. “
“Socialiser, co-construire, innover : on n’y va pas par écrans interposé”, rappelle la Présidente. C’est aussi le lieu qui cristallise le sentiment d’appartenance et les valeurs des entreprises.
“Les évolutions sociétales et les outils numériques contribuent à atténuer la frontière entre vie privée et vie professionnelle. Le bureau doit donc accompagner cette transformation. La vie de quartier et la diversité des commerces. Les services de proximité ou encore la mise en pratique d’engagements responsables au travail.
Tous font désormais partie des critères des collaborateurs pour qualifier leur bureau d’idéal.”
Différents lieux de travail
De votre point de vue, quels sont les éléments indispensables à l’espace de travail. Que faire pour donner envie aux utilisateurs de venir au bureau et pour qu’ils s’y sentent bien ?
Alain d’Iribarne, économiste, sociologue du travail, considère que la question qui se pose aujourd’hui est celle de l’attractivité relative de chaque lieu de travail. Que ce soit en termes d’efficience économique, sociale et environnementale. Les nouvelles modalités du travail et le bien-être des collaborateurs s’exprimeront dans un équilibre entre les différents lieux de travail.
Président du conseil scientifique d’Actineo lancé en 2005, l’Observatoire de la qualité de vie au bureau, il incite les dirigeants à se servir de l’espace de travail comme levier de performance. Mais aussi comme source de bien être pour leurs collaborateurs. Car l’aménagement des espaces de bureau est une des composantes essentielles de la qualité de vie au bureau.
Le sociologue d’ajouter: “Une chose est sûre, les espaces vont se multiplier au-delà de l’immeuble de bureaux. Il y aura des lieux pour travailler seul et en toute tranquillité, comme le domicile ou le tiers-lieu. Des lieux pour travailler avec d’autres à distance ou en face-à-face.
Ou encore des lieux où pourront s’affirmer les êtres sociaux que nous sommes, pour se rencontrer. Pour partager et se rassembler autour de la marque employeur de l’entreprise. “
Le lieu vous conditionne
Le home office n’est pas l’idéal pour le télétravail, d’après le fondateur de My Mental Energy Pro. Entreprise dont la vocation est d’accompagner les collaborateurs à concilier bien-être mental et efficacité cognitive au travail. “Chez lui, le collaborateur n’a pas toujours les conditions réunies pour bien travailler”, déplore Jean-Christophe Beau.
“D’autant qu’un lieu vous conditionne. Il peut donc être difficile de mettre en place des rituels de travail à domicile “
Il poursuit: “Pour donner envie de venir au bureau, l’idéal est de coconstruire avec les collaborateurs. Tout en s’assurant d’une bonne répartition entre les différentes fonctions. Qu’elles soient de concentration, régénération, téléphonie, interactions formelles et informelles, et en pensant à l’utilisation de tiers-lieux.
Je pense qu’il faut d’emblée les inclure, notamment dans les grandes agglomérations. Les trajets entre domicile et lieu de travail peuvent contribuer à la fatigue et à l’énervement. Il faut penser au bureau idéal de façon élargie.”
Une répartition entre les différentes fonctions.
A quoi ressemble aujourd’hui le bureau idéal, selon vous ? Concrètement, quelles sont ses caractéristiques ?
Olivier Saguez, fondateur et designer de Saguez et Partners nous explique:“Le bureau idéal, c’est d’abord de l’espace, de la lumière naturelle. Des vues dégagées, du soleil même, une qualité d’acoustique, de l’air frais. Et une qualité d’air notamment dans les salles de réunion.
C’est aussi du « sans contact » pour les portes, des liaisons douces par plateaux, voire des liaisons verticales avec des escaliers.
Et pour le bien-être, des matériaux naturels, des couleurs douces… ” Bref, une ergonomie douce “pour un effet cocooning” pour celui dont l’agence a construit sa nouvelle Manufacture Design dans le nouvel éco-quartier du Grand Paris, les Docks de Saint-Ouen-sur-Seine où ses 150 collaborateurs pensent et font le design de demain.
Fondée en 1998 son agence de design de marque de renommée internationale, se presente comme Mi-campus, mi-laboratoire, mi-atelier, mi-école, mi-coworking, mi-café, mi-bivouac… L’agence travaille, réfléchit, observe et imagine les nouvelles formes du vivre en ville : nouveaux quartiers, nouvelles mobilités, nouveaux comportements, nouvelles consommations, nouveaux usages et nouvelles attitudes dans le développement durable.
Sur cette base… poursuit-il: ” ..il faut qu’il y ait plus de places que le nombre de personnes. Des places qui correspondent à des postures de travail différentes. Pour que les salariés bougent, se rencontrent. Des espaces clairement identifiés pour des fonctions différentes. Pour se concentrer, téléphoner, échanger via visioconférence. Des espaces pour faire des points rapides, animer des séances de coaching, des réunions, des conférences….”
Et le designer de conclure: “Dernier point, il faut des services adaptés à l’activité du collaborateur. Du click and collect, une restauration locale de qualité, une salle de sport.. Un espace sieste, des services de dépannage personnel informatique… C’est tout cela le bureau idéal !”
Respect des fondamentaux
Alain d’Iribarne: “Pour être idéal, le bureau doit d’abord répondre aux fondamentaux du « bien travailler », constate le président du conseil scientifique d’Actineo . Il doit être un lieu laissant pénétrer la lumière naturelle. Offrant un confort thermique, du calme, du confort ergonomique et, bien sûr, des lieux en commun. Pour des réunions, mais aussi des espaces d’échanges plus informels. Des endroits où l’on peut venir travailler tranquillement, seul ou avec un collègue, en prenant son café. Beaucoup de travailleurs déclarent ne plus avoir besoin de venir au bureau tous les jours.”
Jean-Christophe Beau: “Le bureau idéal doit aujourd’hui répondre au moins à trois fonctions : la concentration, la régénération et le soutien social. Autant de besoins au travail que le contexte de pandémie lié au Covid nous oblige à ne plus éluder. La concentration est un filtre. Car l’être humain ne peut fermer ses oreilles comme il peut fermer les yeux. C’est une question de survie de l’espèce !
Plus il y a de bruits à côté du travailleur, plus il est obligé de fournir de l’énergie pour en faire abstraction. Qu’ils proviennent des conversations, de chuchotements et autres sons émis par des imprimantes ou des applications, par exemple. Une énergie mobilisée qui, à force, épuise et peut nuire au contrôle des émotions. Le corps ne peut générer assez d’oxygène et de sucre pour soutenir une concentration intense dans la durée. Il faut donc aussi imaginer des espaces de micro-pause. Des lieux de régénération, de rêverie : un jardin, une belle vue dégagée, une pièce décorée d’œuvres d’art…
il y faut des espaces pour papoter. « Se dire », mais aussi pour se réunir et créer. Comme des petites salles où l’on peut bouger, dessiner, matérialiser ce que l’on a en tête. Car le mouvement est la symétrique de la réflexion”, explique-t-il.
Hyper-convivialité vs calme
L’étude que nous avons menée caractérise le bureau idéal comme un lieu social. Un outil de travail qui doit être bien équipé, calme, flexible, confortable… Le design et l’hyper-convivialité vantés ces dernières années semblent de moindre importance. Qu’en pensez-vous ?
Alain d’Iribarne: “Cela semble assez logique. On ne va pas sacrifier les fondamentaux au profit du babyfoot. Il faut d’abord répondre parfaitement aux besoins fondamentaux avant d’envisager d’aller au-delà. Les travailleurs que vous avez interrogés ne s’y trompent pas : ils connaissent les priorités”
Jean-Christophe Beau: “C’est important, mais quand les gens n’ont pas le reste… cela ne sert à rien ! Il faut d’abord combler le besoin primaire. Et ce besoin primaire, c’est bien travailler. Pour pouvoir bien travailler, comme le souligne très bien votre enquête, il faut une bonne connexion. Une bonne chaise, de la lumière, des espaces appropriés pour ne pas s’énerver, se ressourcer. “
Pour celui qui a reçu le Prix d’argent aux Trophées de la QVT et le Prix Innovation Préventica pour son application, avec plus de 200 contenus audio et vidéo, pour réduire la surcharge mentale et émotionnelle, la fatigue, et gagner en concentration:
“Ce sont les fondamentaux de la qualité de vie au travail. Puis, bien sûr, le design, le décor s’ajoutent à ce cadre. Mais ils ne peuvent être favorisés au détriment des besoins primaires.”
Olivier Saguez,: “Cela dépend de votre définition du mot « design ». Pour moi, le design n’est pas un adjectif mais une méthode de travail, une méthode qui part des usages. Je crois à un design de l’utile, du simple, de l’ergonomie, du lisible, du pratique, et ce design-là est plébiscité. Je ne crois pas au « comme à la maison », où tout est bricolé. Souvent inconfortable: tout doit être professionnel, et incomparablement mieux qu’à la maison.”
Il poursuit “L’aménagement représente une part de dépense ridicule par rapport à la masse salariale. Il ne doit pas être vu comme un coût ! mais comme un investissement. Un investissement qui peut rapporter beaucoup si on le conçoit avec sérieux. Lorsque l’on va travailler, c’est essentiellement pour rencontrer les autres, travailler avec les autres.”
“La relation physique sans écrans interposés est bien plus forte, de nombreuses études en attestent. Les gens se livrent beaucoup plus facilement et surtout s’additionnent ensemble. “
“Le travail est aujourd’hui collectif, les organisations ne sont plus verticales mais horizontales, et le lieu crée le lien. Et puis, il y a des lieux qui inspirent les idées, la réflexion, comme ils attirent les talents… On a besoin de sortir de son quotidien, de sa banalité pour se surpasser. Et un lieu peut être une source d’inspirations fortes.”
En trois chiffres
A la question, “Aujourd’hui, pour quelles raisons est-ce utile de venir au bureau ?“
71% Pour voir ses collègues et échanger avec eux
66% Pour faire avancer les projets et communiquer avec l’équipe
39% Pour rester motivé et bien connaître l’entreprise