En Mars dernier, nous avons rencontré Odile DUCHENNE à Paris, Directrice Générale d’Actineo. L’occasion pour nous de lui demander son avis sur l’année qui vient de s’écouler et sur la crise que traverse l’industrie. Mais aussi ses perspectives pour 2021 et les actions entreprises dans la lutte contre les TMS. Entretient avec celle qui est également chargée de Mission à l’Ameublement Français.
«2020 a été difficile !». Voila comment résumer l’année qui vient de s’écouler. Avec une baisse de chiffre d’affaires estimée de l’ordre de 20%, l’industrie a souffert.
«Au printemps dernier, nous projetions une baisse située entre -22 % et -27%» nous confie la directrice. Un meilleur 2ème semestre qui a sans doute permis de… sauver les meubles . Pour la chargée de mission, il y a une différence entre le marché du récurrent, «qui a continué à investir dans le mobilier et le marché des grands projets qui a été totalement à l’arrêt».
Ainsi explique-t-elle, «pour certains acteurs du marché, la baisse sera heureusement beaucoup moins forte que celle que je viens d’énoncer». Avant de conclure: «Le début d’année 2021 a été calme mais nous percevons une amélioration pour les mois à venir d’avril, mai, juin. Malheureusement, à la crise sanitaire, s’est ajoutée une autre crise sans précédent, celle des matières premières !»
Pression sur les matières premières.
Cette crise des matières premières «a un impact double sur nos outils industriels» s’inquiète Odile Duchenne. Flambée des prix des matériaux, et allongement des délais d’approvisionnement, et livraisons – quand celles-ci ne sont pas incomplètes. Résultat direct «des usines au ralenti, faute de matière pour produire».
Une situation généralisée au niveau européen, qui tient « à des phénomènes conjoncturels et structurels ». D’un côté, la « désorganisation liée a la Covid-19, avec les fermetures des sites de production ». De l’autre une « demande forte depuis l’été 2020 concernant le mobilier pour la maison ».
Des pouvoirs publics alertés
«Compte tenu de l’imprévisibilité de ces hausses et des pénuries sur lesquelles nos industriels n’ont aucune prise l’Ameublement français a alerté les pouvoirs publics et les donneurs d’ordre des fabricants à travers une Lettre Ouverte du président Philippe Moreau», précise Mme Duchenne.
Une lettre ouverte donc, qui appelle les distributeurs et les acheteurs a faire preuve de «compréhension et de bienveillance au regard des hausses tarifaires». M. Moreau y parle de moratoire jusqu’à la fin du 1er semestre 2021 sur les pénalités de retard. «Pour faire face à cette flambée des prix des matières premières, les fabricants français ont impérativement besoin de répercuter dans leurs tarifs les impacts des hausses tarifaires en fonction de la composition de leurs produits, afin de préserver leur marge» nous explique la directrice.
Pour Mme Duchenne, la situation est sensiblement la même partout en Europe. «En novembre 2020, la FEMB (Fédération Européenne du Mobilier de Bureau) a lancé une enquête […] auprès de ses 8 membres (Allemagne, Italie, France, Pologne, Espagne, Suède, Portugal, Finlande) , le constat d’une baisse des chiffres d’affaires en 2020 était partagé.» Quant à la crise des matières premières, «Elle touche toute l’Europe, voire même au- delà. C’est une crise mondiale.»
Et la reprise dans tout ca ?
Quand on lui demande si la reprise lui semble être pour 2021, Mme Duchene est mitigée. «Difficile de répondre à cette question, face à tant d’incertitudes !»
Elle poursuit: «Les grandes entreprises du monde tertiaire ont commencé à engager une réflexion approfondie de réorganisation du travail». Il faut dire qu’avec l’essor du télétravail “contraint”, il est difficile de prendre des décisions. Selon l’amplitude que celui ci prendra, il y aura forcement un impact sur les immeubles de bureaux. Pas uniquement pour réduire les mètres carrés, mais pour réallouer les espaces en fonction des nouveaux usages. Moins de travail individuel, plus de travail collaboratif, plus de réunions, de séances de créativité, de moments de partage et de convivialité.»
Toutefois, pour la directrice générale d’Actineo, une lueur d’espoir existe avec une sortie de crise mi-2021, grâce aux vaccins. «On peut raisonnablement penser que les entreprises vont lancer dès cette année les projets de réaménagement et de déménagement.» Sans oublier l’accompagnement des salariés avec la mise à disposition de mobilier à leur domicile, nouveau marché pour les industriels et distributeurs de mobilier de bureau.
Le soutien de l’Ameublement Français…
Pour accompagner cette relance, l’Ameublement Français s’appuie sur sa campagne #Meublez-vous français. Mais aussi, en faisant passer des messages aux pouvoirs publics «sur l’importance de l’ergonomie et du confort au travail, quel que soit le lieu où le salarié travaille.» Le chef d’entreprise est responsable, sur le plan juridique, de la santé et de la sécurité des salariés. «Y compris quand ceux-ci télétravaillent» rappelle Mme Duchenne.
Selon l’Institut français de recherche et sécurité (INRS), plus de 2 salariés sur 3 ont souffert, souffrent ou souffriront un jour, d’une lombalgie. Et selon l’Assurance Maladie, plus de 4 actifs sur 5 déclarent avoir déjà eu mal au dos pendant ou après le travail. Les TMS représentent un coût pour la Collectivité et pour les entreprises.
«C’est pourquoi nous avons rencontré le ministère du travail afin d’insister sur l’importance du bien-être des salariés, et l’importance du confort et du mobilier qui y contribue. Nous aimerions que les entreprises soient incitées fiscalement à prendre en charge le coût de l’équipement du mobilier pour leurs télétravailleurs»
…et de la Fédération Européenne du Mobilier de Bureau
Un travail également mené au niveau européen, puisque la FEMB va lancer une campagne de prévention des Troubles Musculo-Squelettiques, avec un Think-Tank de la Commission européenne.
Pour finir, la publication de la dernière enquête du Baromètre Actineo sur la satisfaction des salariés. Cette enquête «comme nos précédentes l’ont toujours fait depuis 16 ans», nourrira la réflexion des acteurs du marché. Une enquête internationale ambitieuse sous la responsabilité scientifique d’Alain d’Iribarne, chercheur au CNRS.
Menée en janvier et février 2021 auprès de 3000 actifs travaillant au bureau. Issus de 5 métropoles : Paris, Amsterdam, Londres, Singapour et San-Francisco/Seattle. Elle est pilotée par le cabinet Sociovision (groupe IFOP). En partenariat avec le conseil en aménagement Colliers et le salon Maison&Objet. Elle passe en revue les relation des salariés au travail, les lieux et conditions de travail, leurs visions d’avenir…
Retrouvez l’intégralité cet entretien dans notre dernier numero d’Ergonoma Journal